lundi 11 janvier 2010

Lettre ouverte à Stephen Harper

Monsieur Stephen Harper, Premier Ministre du Canada et « Fossile de l’Année », si je vous écris en cette froide matinée hivernale, c’est que la démocratie canadienne encaisse, encore une fois, un dangereux dérapage. En tant que citoyenne de ce pays, jadis progressiste et admiré sur la scène internationale, il est de mon devoir de vous faire part de mes impressions quant à votre gouvernance, qui tient davantage du totalitarisme masqué que de la saine gestion et de la démocratie respectueuse des citoyens et citoyennes. La récente prorogation de la session parlementaire est inacceptable. Je ne suis pas dupe ; cette absence conservatrice au parlement est une lâche et minable tentative de nous faire oublier vos bévues politiques, qui n’ont de cesse d’entacher la réputation du Canada. Je parle ici, entres autres, des récentes allégations de torture en Afghanistan, qui, avérées ou non, doivent impérativement faire l’objet d’enquêtes sérieuses et publiques. En tant que Premier Ministre, vous devez faire la lumière sur cette histoire douteuse, qui jette l’opprobre sur le Canada et sa réputation de pays avant-gardiste. Cessez d’être le fantoche des États-unis de l’ère bushienne et soyez clair, transparent et à l’écoute de vos citoyens, qui, je vous le rappelle, vous ont malheureusement élu pour que vous respectiez leurs intérêts. Et, je ne fais pas ici allusion uniquement aux compagnies pétrolières et aux lobbies des sables bitumineux. Les Canadiens et Canadiennes veulent la vérité, et vous seul possédez le pouvoir politique de leur livrer ; agissez.

Quant à votre risible participation, inutile et honteuse, à l’historique conférence de Copenhague, les mots me manquent pour exprimer la frustration qui me hante. Alors que les pays du monde entier, et les exemples européens pullulent, se tournent résolument vers des technologies énergétiques vertes, des programmes de soutien à l’économie écologique et sociale ainsi que des initiatives de conservation de la nature sauvage, le Canada balaie du revers de la main ce qui doit être la première prise de conscience planétaire ; la terre croule sous l’empreinte écologique de l’humanité. À la limite, que vous y croyez ou non me laisse de glace. Cela me semble simplement stupide. Néanmoins, en tant que gestionnaire d’un pays industrialisé, il apparaît incroyable que vous manquiez ainsi le virage mondial et cette nouvelle économie qui se dessine à l’horizon. Les opportunités d’affaires et les initiatives, désormais plus respectueuses de l’environnement et des communautés humaines, se multiplient à l’échelle mondiale. Or, vous refusez obstinément d’en faire partie intégrante. Cela ne va pas dans le sens de mes intérêts, sachez-le. Et, je ne désire pas y être associée. Vos oeillères ne sont pas les miennes.

Ainsi, pour l’année 2010, je désire dorénavant un pays qui agisse en leader mondial des questions climatiques, en plus de prôner une conservation efficace et rigoureuse des derniers bastions de notre écosystème forestier boréal. J’aspire également à une gouvernance véritablement axée sur les problématiques environnementales, comme le financement des groupes écologistes (faisant également partie d’une saine démocratie) ou la protection de la biodiversité. À ce sujet, j’aimerais simplement vous faire part d’une autre problématique mondiale majeure ; le déclin inexorable des espèces vivantes. 2010 sera l’année de la Biodiversité, selon l’Organisation des Nations Unies ; voilà une occasion pour vous de racheter la piètre performance conservatrice à Copenhague…

Outre l’environnement, je souhaite un Canada davantage transparent, favorisant l’interaction et le choc des idées, et non une prorogation dès que la situation semble vous discriminer. Notre pays (bien que je me considère davantage comme québécoise que canadienne) doit également encourager l’érudition et la curiosité intellectuelle, et non saper dans des programmes comme le Conseil canadien sur l'apprentissage (CCA), organisme ayant pour mandat de soutenir la recherche dans le but d'améliorer l'apprentissage au Canada en plus de tenter de faire reculer le décrochage scolaire. Et, comme le témoigne l’écrivain Yann Martel par l’envoi répété de romans à votre endroit, la culture doit être omniprésente dans une société, soutenue et financée, afin de célébrer les origines et les fondements d’un peuple.

Finalement, je vous souhaite, en cette nouvelle décennie, un dynamisme nouveau, une réelle envie de participation à la démocratie, une conscience environnementale accrue et aiguisée, un soutien enthousiasme à l’économie sociale et humaine, un sens de l’empathie et du dévouement… et pourquoi pas ? des couilles pour faire reculer les lobbies pétroliers, miniers, gaziers, forestiers.


Vivement un Canada sain, progressiste, écologique et avant-gardiste.


Marie-Pierre Beauvais
Citoyenne québécoise d’un pays en déroute et
Technicienne en Bioécologie



À lire également ;

Le monde hait le Canada ; http://www2.macleans.ca/2009/12/15/suddenly-the-world-hates-canada/

Hugo De Grandpré, Prorogation ; The Economist acerbe envers Harper, La Presse, 7 janvier 2010 ; http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/politique-canadienne/201001/07/01-937084-prorogation-the-economist-acerbe-envers-harper.php

Alec Castonguay, Les Canadiens déçus de Harper à Copenhague, Le Devoir, 6 janvier 2010 ; http://www.ledevoir.com/politique/canada/280551/sondage-les-canadiens-decus-de-harper-a-copenhague

François Cardinal,
La réduction des cibles pour le secteur pétrolier sème la consternation, La Presse, 15 décembre 2009 ; http://www.cyberpresse.ca/dossiers/conference-de-copenhague/200912/15/01-931267-la-reduction-des-cibles-pour-le-secteur-petrolier-seme-la-consternation.php

La Presse Canadienne, Sables bitumineux ; une étude contredit les chiffres de l’industrie, Cyberpresse.ca, 7 décembre 2009 ; http://www.cyberpresse.ca/environnement/200912/07/01-928838-sables-bitumineux-une-etude-contredit-les-chiffres-de-lindustrie.php

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