vendredi 19 février 2010

Une lettre ouverte d'écologistes et de militants à propos de l'environnement au Québec

Parue dans Le Soleil, ce 19 février 2010 ;


Le Québec et l'environnement après sept ans: remettons les pendules à l'heure!

Depuis Copenhague, l'ineptie mondialement reconnue du gouvernement Harper en matière d'environnement fait en sorte que le gouvernement Charest est perçu comme LE grand défenseur de l'environnement. Si Jean Charest a certes démontré que les provinces n'endossent pas la politique honteuse de Stephen Harper dans la lutte aux changements climatiques, il reste qu'après 7 ans à gouverner le Québec, son bilan environnemental, malgré certains bons coups, est beaucoup plus sombre qu'il ne le laisse entrevoir.
Voici un aperçu de la situation :

Dossier nucléaire: même si en 2003, Jean Charest avait promis qu'il ne nous engagerait plus dans le nucléaire, Hydro-Québec projette d'acquérir la centrale Pointe Lepreau au Nouveau-Brunswick. De plus, il veut construire un nouveau réacteur nucléaire sur le site de Gentilly-2 au coût officiel de 2 milliards $ (montant qui sera largement dépassé) sans aucun débat public. Nous alourdirons ainsi notre héritage dans cette source d'énergie aux déchets très polluants, dangereuse pour la santé et dont les coûts sont reconnus comme les plus élevés au monde.

Dossier des forêts: l'année 2010 a été décrétée l'année de la biodiversité par l'ONU. Or seulement 5,1% de notre forêt boréale commerciale est protégée. Malgré plusieurs améliorations présentées dans le projet de loi 57 sur l'aménagement durable des forêts, les efforts en matière de conservation des forêts intactes pour la biodiversité restent minces. 88% de nos forêts publiques productives seront réallouées à l'exploitation industrielle sans même qu'il n'y ait de marge de manoeuvre pour protéger ce qui reste de plus précieux, soit les dernières forêts n'ayant pas été encore exploitées, soit 10% de notre territoire forestier.

Dossier transport: alors qu'au Québec, entre 1998 et 2008, la population a crû de 6%, le nombre de voitures et camions légers a crû de 31%, soit 5 fois plus! La première source d'émissions de CO2 du Québec est le transport (40%) et elles ont augmenté de 36,7% entre 1990 et 2007. Pourtant, le ministère des Transports du Québec dépensera 15 milliards $ en infrastructures pour le transport individuel, contre 2 milliards $ en transport collectif, sans tenir compte des plans d'urbanisme municipaux. Trois exemples: le pont de l'autoroute 25, les reconstructions de l'autoroute Notre-Dame et de l'échangeur Turcot.

Dossier des mines: comme l'a démontré le Vérificateur général, non seulement nous avons payé plus de $600 millions entre 2002 et 2008 pour que des compagnies minières exploitent nos ressources (non-renouvelables), nous avons également hérité au fil des ans d'un lourd passif environnemental, présentement évalué à plus de 300 millions $ pour restaurer des centaines de sites abandonnés. Le Québec s'apprête à se lancer dans l'exploitation de plusieurs mégamines à ciel ouvert à «faible teneur - forts impacts», sans pourtant obliger leur restauration complète, ni restreindre leur consommation phénoménale d'eau, d'énergie et de produits chimiques. Autre enjeu crucial: le gouvernement refuse toujours d'imposer un moratoire sur les mines d'uranium, alors que le temps presse et que les impacts sur la santé et l'environnement l'exigeraient.

Les barrages contre l'efficacité énergétique: après l'Islande, c'est au Québec qu'il se consomme le plus d'électricité par habitant sur la planète. L'électricité la plus rentable est celle que nous économisons. Suite à la commission parlementaire sur l'énergie de 2005, l'Agence d'efficacité énergétique a de nouveau reçu des budgets dignes de ce nom. Or, le plan de l'agence couvrant la période de 2007 à 2010 se fait toujours attendre...

En pleine période de surplus énergétique, le gouvernement relance des projets de méga-centrales comme La Romaine et relance les projets tant décriés de petites centrales hydroélectriques dont il est déjà prévu que le coût marginal dépassera la valeur à l'exportation. Ainsi, nous allons détruire des écosystèmes de façon durable pour perdre collectivement de l'argent...après que les Américains aient statué que cette énergie n'est pas verte.

L'indépendance face au pétrole... et la dépendance au gaz naturel: le lobby du gaz naturel semble avoir pris le contrôle de ce gouvernement. Après le Suroît, la centrale de Bécancour (fermée après un an, alors que nous paierons à TCE Energy au moins $1,5 milliard sur 10 ans pour ne pas qu'elle produise d'électricité), les ports méthaniers Rabaska et Cacouna d'importation de gaz naturel ainsi que l'exploration et l'exploitation tous azimuts de gaz dans le golfe du St-Laurent et les schistes (très polluants et sans redevance pendant cinq ans), voilà maintenant que le gouvernement finance une tournée panquébécoise sur l'indépendance face au pétrole avec comme partenaire Gaz Métro, qui veut nous débarrasser du pétrole... pour le remplacer par du gaz naturel.

Dossier changements climatiques: malgré une énième augmentation annuelle des GES, Québec prétend encore qu'une réduction de 6% en 2012 par rapport à 1990 est à notre portée. Or, les objectifs de Kyoto ne sont pas de -6% pour 2012, mais bien pour une baisse de 6% en moyenne durant les cinq années incluses entre 2008 et 2012! Si les secteurs autres que le transport, comme le secteur industriel (32% des émissions), qui a réussi à baisser ses émissions de 6,2% depuis 1990, se maintiennent, le secteur des transports devra réduire les siennes de 24% ! Malgré l'application positive des normes californiennes, les objectifs de Kyoto ne seront de toute évidence pas atteints.

Autres dossiers problématiques: sept ans après l'avoir promis... le non-étiquetage des OGM et l'application de la politique nationale de l'eau; le tablettage de la révision du règlement sur la qualité de l'air; le Plan Nord; le BAPE rendu inoffensif; le développement anarchique de l'éolien; sans oublier l'amiante, qui, première cause de décès des travailleurs du Québec, mine notre crédibilité internationale; et, pour couronner le tout, le nouveau soutien aux entreprises qui veulent «profiter des occasions d'affaires dans les sables bitumineux».

Conclusion: se comparer au gouvernement canadien pour démontrer combien nous sommes verts équivaut à se comparer à l'idiot du village global pour illustrer notre génie. Notre bilan environnemental est bien moins reluisant que le gouvernement le prétend. C'est pourquoi, avec l'aide de ce commissaire à l'éthique qu'il nous promet depuis sept ans, ce gouvernement devra se distancer des lobbies miniers, forestiers, de génie-conseil, de la construction et de l'énergie pour se concentrer sur des actions réellement fidèles à l'esprit du vrai développement durable. À la veille du budget et en pleine négociation sur plusieurs des dossiers évoqués ici, ceci est essentiel pour l'avenir écologique et économique du Québec.

AUTEURS ;
Daniel Breton, Xavier Daxhelet, Vincent François, Denis L'Homme/ «Maîtres chez nous-21e siècle»,
Henri Jacob/Action Boréale Abitibi-Témiscamingue, Nicolas Mainville, Melissa Filion, Virginie Lambert-Ferry/Greenpeace, Paul Piché/Fondation Rivières, Ugo Lapointe, François Lapierre/ Coalition pour que le Québec aie meilleure mine, Sophie Thiébaut/co-fondatrice de Mobilisation Turcot, Michel Duguay, Philippe Giroul, Michel Fugère, Nicole Béland/ Mouvement Sortons le Québec du nucléaire, Yvan Croteau/ Réseau Québécois des Groupes Écologistes, Pierre Jasmin et Daniel-Jean Primeau/Artistes pour la paix, Pierre Lambert/ Mouvement Vert Mauricie, Jean-Guy Vaillancourt/sociologue, Pierre Gauthier/professeur d'urbanisme, Jean Décarie/urbaniste, Eric Notebaert/Professionnels de la Santé pour la Survie Mondiale, Jacques Levasseur/Coalition Stop au Méthanier, Pierre Véronneau/écologiste

lundi 15 février 2010

Le Climategate sous enquête et le GIEC sommé de revoir ses procédures scientifiques !!

Une enquête indépendante, portant sur l’histoire des courriels piratés par des climatosceptiques, a finalement débuté jeudi dernier, sous l’égide de l’université britannique d’East Anglia.

Rappelons que des courriels, échangés entre des climatologues de renom, notamment le directeur du CRU Phil Jones, avaient été mis à jour par des pirates informatiques. Ces derniers affirmaient que ces échanges constituaient une preuve indéniable de la manipulation des données en faveur d’un réchauffement climatique de cause anthropique.

Le vice chancelier de l’université de Glasgow, Sir Muir Russell, s’est vu confié la responsabilité de l’enquête du « climategate ». Il croit ainsi pouvoir dévoilé ses «conclusions préliminaires d'ici le printemps 2010».

Il devra lever le voile sur la manière dont les courriels se sont retrouvés sur Internet, et surtout, si les présumées tentatives «de manipulation ou de suppression de données» sont avérées.

«Notre travail est d'enquêter sur la rigueur scientifique, l'honnêteté, (et) l'esprit d'ouverture» du CRU, a-t-il déclaré.

Un site Internet sera également mis sur pied pour assurer la transparence du processus et pour permettre au public de suivre les progrès de l'enquête.



De son côté, le GIEC se voit dans l’obligation de renforcer ou de réformer ses procédures de recherche, selon plusieurs experts ayant contribué aux recherches.

Ébranlé par une suite de révélations polémistes, ayant mis à mal la crédibilité du groupe et de la cause climatique, le GIEC devrait mettre en place des mesures visant à rétablir la transparence et la confiance de la communauté internationale ; fréquence de publication beaucoup plus rapide à la création d'un instrument permettant un «débat ouvert» de type Wikipédia. Voilà ce qu’ont proposé les 5 experts, lors d’une tribune publiée dans la revue Nature et intitulée «Le GIEC, faut-il le révérer, le transformer ou le supprimer?».

Pour Mike Hulme, de l'Université d'East Anglia, au Royaume-Uni, les pratiques du GIEC sont « périmées ». Donc, autant le dissoudre en 2014, suite à la publication du prochain rapport. Le GIEC pourrait, à ce moment, être remplacé par trois entités distinctes chargées respectivement des connaissances scientifiques, des impacts régionaux et des probables réponses politiques. De même, l’entité chargée des connaissances scientifiques aurait pour mandat de divulguer de courts rapports synthèses sur l’état des connaissances.

Puis, Thomas Stocker, de l’université de Berne (Suisse) réitère l’importance, pour le GIEC, de ne pas « céder à la pression » de publier de manière effrénée, dans un contexte houleux, encouragé par les débats passionnés et émotifs.

Plusieurs autres suggestions ont été apportées par d’autres experts, toujours dans l’optique d’ajouter transparence et suivi dans les processus scientifiques du GIEC et de faciliter l’accès à l’information. Le président du GIEC, Rajendra Pachauri, a, quant à lui, rejeter toute idée de démission, affirmant plutôt la mise en place d’«un historique d'évaluations transparentes et objectives sur plus de 21 ans, établies par des dizaines de milliers de scientifiques de tous les coins de la planète».



Ne reste plus qu’à espérer que les communautés de la terre entière n’attendront pas la réforme du GIEC pour poursuivre vigoureusement leurs batailles contre les changements climatiques !




À lire également ;


François Cardinal, La science du climat désavouée, La Presse, 12 février 2010 ; http://www.cyberpresse.ca/opinions/chroniqueurs/francois-cardinal/201002/12/01-949033-la-science-du-climat-desavouee.php

M.



Sources ;

Agence France-Presse, Le « climategate » sous enquête, Cyberpresse.ca, 11 février 2010 ; http://www.cyberpresse.ca/environnement/201002/11/01-948718-le-climategate-sous-enquete.php

Agence France-Presse, Évolution du climat-Le GIEC est invité à se réformer pour restaurer la confiance, Le Devoir, 11 février; http://www.ledevoir.com/environnement/climat/282868/evolution-du-climat-le-giec-est-invite-a-se-reformer-pour-restaurer-la-confiance