samedi 27 février 2010

Sauvons la biodiversité ; penser globalement, agir localement !


Par Éric Darier, Ph.D., Directeur de Greenpeace au Québec en sabbatique, 25 février 2010

Imaginez que le logement que vous avez acheté perde de sa valeur année après année. Imaginez que la moitié du toit soit déjà disparu et que les experts vous disent que la bâtisse s'effondrera totalement d'ici quelques années. Vous n'avez que deux options. Si vous ne faites rien, vous perdrez votre logement et votre capital. Si vous faites les réparations d'urgence, vous pourrez au moins prolonger votre séjour dans votre logement et vous donner le temps de faire les rénovations qui s'imposent.

Remplacez maintenant le mot « logement » par celui de « diversité biologique » ou, pour faire plus court, de « biodiversité », et vous avez à peu près la même situation.

Il y a cependant une différence importante. Vous pouvez toujours abandonner votre logement pour un autre. Malheureusement, dans le cas de la biodiversité, il n'y a pas de remplacement. Nous n'avons qu'une seule planète ! C'est pour cela qu'il est préférable de préserver ce qui en reste et c'est justement le mandat de la Convention sur la diversité biologique.


Convention sur la biodiversité


La biodiversité est la chaîne complexe de la vie sur la planète. Si des maillons de cette chaîne disparaissent, c'est toute la vie qui, à terme, risque de disparaître aussi. Les humains ont besoin de la biodiversité pour pouvoir manger, respirer, boire, se maintenir en santé, survivre, etc.

Pourtant, et contrairement à la lutte aux changements climatiques, il existe déjà une Convention sur la biodiversité, adoptée dès 1992 à Rio lors du Sommet de la Terre. Cette Convention internationale a été ratifiée par 168 pays. En 2002, lors du sommet de la Terre à Johannesburg, les pays se sont mis d'accord pour « ralentir d'ici 2010 la vitesse de perte de biodiversité à un niveau global, régional et national afin de contribuer à la réduction de la pauvreté et au bénéfice de toutes les formes de vie sur la Terre ».

La Convention a aussi permis l'adoption du Protocole de biosécurité qui met en place des mesures de précaution quant aux mouvements transfrontaliers des OGM.

Sombre bilan pour la biodiversitéÀ la lecture de la 2e édition des Perspectives mondiales de la diversité biologique (PDF) publiée par le Secrétariat de la Convention sur la biodiversité, on ne peut que constater l'ampleur de l'échec. À part l'augmentation des surfaces des aires protégées, tous les autres indicateurs sont au rouge et à la baisse.En voici quelques-uns :- Déboisement : 6 millions d'hectares de forêts primaires perdues annuellement depuis 2000 (équivalent total à trois fois la surface du Québec!)- Écosystèmes côtiers et marins : le coral dur a régressé de 50 à 10 % en moyenne au cours des trois dernières décennies- Près de 35 % des mangroves ont disparu au cours des 2 dernières décennies- Les effectifs de 3000 espèces sauvages : -40 % en moyenne entre 1970 et 2000- Les effectifs des espèces d'eaux douces : -50 %- Espèces marines et terrestres : -30 %- Entre 12 % et 52 % des espèces sont menacées d'extinction.

Au rythme actuel de la destruction de la biodiversité (animaux, écosystèmes, forêts, etc.), les scientifiques prédisent la 6e extinction massive sur la terre. Selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN),environ un quart des espèces vivantes de la planète pourrait disparaître d'ici 2050 sous la pression des activités humaines. Et pour empirer la situation, les changements climatiques pourraient accélérer ce processus! L'avenir de la vie sur cette planète n'est pas très rose. C'est ça la vraie crise!


Penser globalement, agir localement!


En octobre prochain, la communauté internationale aura rendez-vous à Nagoya au Japon pour la 10e conférence de la Convention sur la biodiversité. On ne peut qu'espérer que les quelque 170 pays qui se rencontreront auront plus de courage qu'à Copenhague. Le déclin de la biodiversité n'est pas un sujet scientifique controversé comme l'a été il y a encore récemment les changements climatiques. Sauver la biodiversité ou plus modestement, freiner le déclin de la biodiversité mondiale, va cependant nécessiter une forte volonté politique pour agir au niveau international. Après l'échec de Copenhague, il faut que les chefs des pays envoient un message d'espoir pour la continuation de la vie sur cette planète.

Même si la communauté internationale a un rôle essentiel pour la préservation de la biodiversité, on peut aussi agir localement chaque fois que la biodiversité proche de chez nous est menacée.

C'est pour cela que Greenpeace se bat ici, au Québec pour la préservation des dernières forêts boréales intactes, pour que les compagnies forestières adoptent des pratiques plus écologiques en optant pour la certification FSC, pour que les supermarchés comme Loblaws, Metro et IGA ne vendent plus de poissons menacés par la surpêche, pour que les dernières grandes rivières sauvages du monde comme La Romaine ne soient pas harnachées, pour que les OGM ne contaminent pas les écosystèmes, etc. Il n'y a pas que Greenpeace, mais aussi tous les gens et les autres organisations écologiques partout au Québec qui défendent becs et ongles, chaque jour, une forêt (ex. le boisé Fernand-Séguin ), un milieu humide (comme à Laval), une île (ex.île Perrot), des terres agricoles menacées par une autoroute (comme la 30), etc.

Bravo!


Vous aussi vous pouvez faire une différence maintenant en vous impliquant pour préserver la biodiversité où qu'elle soit!


Pour plus d'information sur l'état de la biodiversité mondiale, voir les présentations à la conférence de Trondheim de février 2010 (en anglais).

lundi 22 février 2010

Les médias et le discours écologiste ; une participation à la dérive


Décidément, le discours écologiste est de toutes les tribunes, trouvant son écho à la fois dans les médias électroniques, télévisés ou traditionnels (journaux, revues, etc.). Le mouvement vert n’a jamais été aussi galvanisé, littéralement propulsé par une communauté internationale mobilisée et prête à accomplir un certain virage. Cependant, difficile de se retrouver dans cette mer chaotique d’informations parfois contradictoires, de discours souvent partisans et de désinformation programmée … Ainsi, il apparaît que les médias concourent, sciemment ou non, à cette dérive du discours écologiste.

Trop souvent, la couverture des médias ne tient pas compte de la véritable nature des enjeux environnementaux, complexes et ramifiés.
Les articles ou les dossiers de presse présentent des enjeux simplifiés, une vulgarisation incomplète ou incorrecte, des propos de spécialistes cités hors contexte. Bref, les titres accrocheurs annonçant des couvertures plutôt racoleuses tendent à s’approprier l’espace médiatique au détriment des articles de fond et de la véritable vulgarisation scientifique. Un exemple patent de cette dérive du discours écologiste par l’entremise des médias ; le sacro-saint sac réutilisable, érigé en véritable symbole de la lutte écologiste, présenté comme le geste ultime qui permet de consacrer sa ferveur à Dame Nature.

Or, à force de marteler ce message à tort et à travers, jusqu’à créer un sentiment de culpabilité chez les délinquants, les médias ont tout simplement occultés les aspects fondamentaux de ce geste ; la réduction à la source des matériaux polluants et le questionnement intrinsèque de nos modes de consommation, primordial à un changement de mentalité et à la réelle sauvegarde des écosystèmes mondiaux. Résultat ; il s’opère actuellement une surconsommation de ces sacs réutilisables, trop souvent produits à l’étranger, avec des matériaux dérivés du pétrole, bref, affichant une empreinte écologique effroyable. Curieusement, aucune mention ou presque de cet échec dans l’ensemble de la sphère médiatique… Et, il y a pire, car l’effet hautement pernicieux de cette situation réside en un désengagement de la population face à un discours écologiste confus, mal rapporté ou mal documenté.

À terme, les enjeux environnementaux sont traités comme de simples faits divers. Pourtant, les médias, censés être consacrés à la diffusion, la transmission et la communication d’informations d’importance aux lecteurs et auditeurs devraient s’attarder davantage aux enjeux environnementaux, puisqu’ils sont devenus, au fil des ans, des responsabilités collectives et des préoccupations de santé publique, et non des choix individuels comme certains le prétendre.

En outre, les médias de masse amplifient la dérive en devenant des vecteurs de diffusion des publicités mensongères, des campagnes douteuses de marketing vert et du greenwashing industriel. Ce faisant, des comportements de consommation s’immiscent dans l’esprit populaire, contribuant à accentuer les dérapages. Une illustration de ce phénomène ? Des publicités ventant les mérites d’un savon à vaisselle sur des oisillons victimes d’un déversement pétrolier. Or, des quantités infimes de ce produit, à peine plus grosses qu’une pièce de 25 cents, peuvent engendrer la mort d’un oiseau (Brown, 2003), en raison des propriétés physiques de cette substance qui conduisent à l’hypothermie en réduisant l’imperméabilité du plumage (Bernier et Lévesque, 2009)et de la toxicité évidente des hydrocarbures, étant potentiellement cancérigènes et génotoxiques, dépendamment de leurs formules chimiques (Office fédéral de la santé publique de Suisse, 2008). Inutile, donc, de faire tremper un oisillon dans l’eau savonneuse… si ce n’est pour tromper l’auditoire en insinuant que ce produit est un choix environnemental ou « eco-friendly ».

Étant donné l’ampleur et la vastitude de la crise écologique actuelle, du déclin de la biodiversité mondiale, des dérèglements climatiques, de la fragmentation des écosystèmes, de l’épuisement des ressources naturelles, de la pollution des cours d’eau, de la dégradation de la qualité de l’air et de la hausse effrénée des inégalités environnementales, force est désormais de constater qu’il est de la responsabilité de chacun de veiller à être informé adéquatement quant aux problématiques environnementales, de manière à y répondre efficacement, dans le but ultime de préserver ce qui reste de notre planète bleue. Devant cette dérive du discours écologiste dans les médias populaires, il apparaît donc que ces réponses se trouvent plutôt dans les médias alternatifs, les livres ou revues scientifiques, les émissions à caractère informatif et les sources réellement crédibles, qui tentent de faire la part des choses en se basant sur de la documentation étoffée et solide. Visons donc la consommation responsable et non l’aliénation collective !


M.

Références bibliographiques ;

Bernier, I et C. Lévesque. 2009. Écologie appliquée ; notes de cours. Cégep Saint-Laurent. Ville Saint-Laurent.

Brown, R.G.B. 2003. (Page consultée le 3 mai 2009). Enjeux et thèmes : Les oiseaux et la pollution par les hydrocarbures. (En ligne).
http://www.hww.ca/hww2_F.asp?id=229#sid67

Office fédéral de la santé publique de Suisse. 2008. (Page consultée le 3 mai 2009). Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). (En ligne).
www.bag.admin.ch/themen/chemikalien/00228/05582/index.html